➤➤➤ Pourquoi faut-il prendre au sérieux le témoignage de Régina Louf ?
➤➤➤ Le témoignage de Régina Louf, une affaire d'état ?
Comment l'avons-nous approchée ? Début novembre, nous lui avons écrit. Le matin suivant, le GSM sonne: "Bonjour, c'est X1". Une voix claire, "Je trouve cela fort que vous m'ayez trouvée". Nous, cherchant le ton qui convient: "Vous semblez gaie, mais vous ne l'êtes probablement pas". Eclat de rire: "Oh, l'image qu'ils préfèrent avoir d'une victime est celle d'un petit tas de misère qui disparaît dans un coin sans plus oser dire un mot. J'ai dépassé cette phase. Eh oui, je me soutiens grâce à l'humour. C'est permis? " Quelques jours plus tard a lieu la première des six rencontres. Ce sont des soirées qui se terminent au petit matin ou ses poses rieuses se transforment parfois de manière inattendue en vagues d'amertume, de colère ou de culpabilité. Après chaque conversation, elle nous glisse un paquet de notes: l'histoire de sa vie, en épisodes. "La nuit, de toutes manières, je ne ferme pas l'oeil alors j'écris constamment" .
Au cours de la quatrième conversation, il semble qu'il y ait de l'eau dans le gaz au domicile de la famille X1. Son mari avait congé et il pensait lui faire plaisir en ramassant les crottes de la cages des chiens. Il a reçu la litière du chat à la tête. "De la litière usagée, précise-t-il". "Je ne peux rien y faire, dit-elle, si quelqu'un touche au programme de ma journée, je deviens furieuse. Il doit apprendre à ne pas toucher à ces crottes". Il rit et désigne les bras de sa femme. Elle rit aussi: "Et si rien ne change, alors je coupe". Des chiens donc. Nous sentons leur présence mais nous n'arriverons jamais à les compter. Les enfants oui, il y en a quatre. "Chaque enfant que l'on m'a pris je voulais le remplacer", dit-elle d'un air recueilli. Nous avions lu cela dans les dossiers mais c'est différent de l'entendre de sa bouche.
Sauf dans les médias, elle préfère être appelée Gini. En janvier 1969, elle voit le jour à Knokke. Elle n'a pas encore appris à parler quand sa grand-mère, chez qui elle passe la plus grande partie de son enfance, "l'initie ". Sous la tutelle de sa grand-mère, elle grandit comme une enfant prostituée. Elle est prêtée à ceux qui la désirent et louent une chambre dans l'un des hôtels oú sa grand-mère la place. Le groupe de clients reste relativement restreint, mais cela change lorsqu'à l'âge de dix ans elle quitte Knokke pour aller habiter chez sa mère à Gand. Elle découvre que sa mère, dans sa jeunesse, a vécu les mêmes choses qu'elle-même et s'est mise maintenant de l'autre côté de la barrière. Maman chérie à une relation avec T., (Tony) un souteneur de Borgerhout. Gini l'a connu comme fournisseur d'enfants pour des orgies. Un jour sa mère lui laisse entendre qu'elle a été vendue à T.. Plus tard, elle apprend le montant de la vente: 120.000 francs. T. introduit Gini dans le circuit de Gand, Bruxelles et Anvers oú les choses prennent une tournure beaucoup plus violente qu'à Knokke.
Au cours de ses interrogatoires X1 évoque les snuff movies, des assassinats de bébés et même des parties de chasse au cours desquelles des enfants nus courent dans un parc et sont achevés à l'arbalète. Elle dit qu'elle a appris à comprendre ce qui pousse les clients à ces folles extrémités: une sorte de dépendance au pouvoir, au pouvoir de décider de la douleur, de la vie et de la mort. Elle parle d'hommes d'affaires, de politiciens connus et moins connus, de magistrats, de médecins et de pères de famille. X1 lie connaissance avec une série d'enfants qui, comme elle, tournent depuis des années dans le réseau. Jusqu'à ce qu'ils deviennent trop âgés et/ou que l'on considère qu'ils parlent trop. La plupart, dit X1 devaient être rentables jusqu'à leur dernier souffle.
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Article original rédigé par Alexandre Lebreton et publié sur MK-Polis
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